« La sécurité ne doit pas être un obstacle au business.
Elle doit s’adapter et l’accompagner en permanence »

Jean Pascal Ramon

Directeur sécurité, Carrefour France

Deux mois après le lancement de Carrefour Next à Dijon, Jean-Pascal Ramon nous livre ses réflexions et son point de vue en tant que Directeur Sécurité France sur les enjeux liés au déploiement de nouveaux concepts dans la grande distribution, et l’impact des nouvelles tendances de consommation sur son activité. Jean-Pascal Ramon dirige chez Carrefour une équipe de près de 45 collaborateurs, en charge des périmètres hypermarchés, supermarchés, magasins de proximité et entrepôts en France.

Quels sont vos principaux sujets de préoccupation au regard des enjeux auxquels sont confrontés l’enseigne Carrefour, et plus largement le secteur de la distribution en France ?

La prévention des pertes reste un sujet important, et, d’une manière générale, tous les sujets concernant l’affectation pertinente des moyens liés aux enjeux de sécurité. Au sein de la direction, nous veillons à rechercher un équilibre entre le risque et les allocations accordées à son traitement. Il ne s’agit pas uniquement de concevoir et mettre en oeuvre des dispositifs de protection des biens, des personnes, des marchandises et des flux d’argent, mais plutôt d’évaluer et d’appréhender le risque en allouant les budgets en fonction des priorités. Autre sujet majeur pour nous : la conception, l’organisation et le pilotage de la gestion de crise, avec, au-delà de la mise en place de process, d’importantes phases d’entraînement et de formation. Nous assurons également une veille réglementaire et analysons les évolutions européennes et dans le reste du Monde afin d’en anticiper les impacts sur notre territoire. Le contrôle de conformité est également une mission importante, ainsi que l’intelligence économique, la lutte contre la fraude… et bien évidemment, la conception de projets d’innovation disruptifs en matière de sécurité, de sûreté et de démarque.

La sécurité ne doit pas être un obstacle au business. Elle doit s’adapter et l’accompagner en permanence, c’est essentiel. Nous travaillons en étroite collaboration avec l’ensemble des fonctions support et formats au service du client final : le consommateur. Il est essentiel qu’il puisse venir dans nos magasins sans appréhension particulière en termes de sécurité afin qu’il puisse se consacrer sereinement à ses achats. Sa satisfaction est pour nous primordiale, et repose sur la notion de sécurité. Trop souvent, dans la profession, le reflexe est plutôt de freiner le lancement de nouveaux concepts en arguant d’un point de réglementation. Au sein de la Direction Sécurité France de Carrefour, nous mettons un point d’honneur à aider nos collègues dans le développement de leur business tout en respectant les règles. De très nombreux sujets ne peuvent être mis en oeuvre sans validation préalable de la sécurité. Lorsqu’émerge l’idée d’un nouveau concept commercial, nos équipes sont impliquées le plus en amont possible, dès l’élaboration des plans et ce, jusqu’à la naissance du projet, sa mise en oeuvre opérationnelle et même au-delà.

Justement, puisqu’on parle beaucoup de nouveaux concepts chez Carrefour, comment accompagnez-vous ce déploiement, et quels sont les enjeux auxquels vous et vos équipes êtes confrontés ?

Ce que nous constatons, d’une manière générale, c’est que les clients veulent des magasins plus accessibles, plus ouverts, et plus fluides. La société française est très attachée aux libertés individuelles. Tout ce qui peut entraver l’accès et la circulation dans le point de vente influence potentiellement le comportement du consommateur. Evidemment, en matière de prévention des risques, un site très sécurisé avec des portiques, des antennes bien visibles satisfait toujours les acteurs de la sécurité. En outre, des risques extérieurs comme la menace terroriste, exige nécessairement des dispositifs de protection. Il faut donc s’adapter à ces nouvelles attentes tout en tenant compte des risques associés.

Dans le cas du concept Next ouvert à Dijon Toison d’Or, la clientèle a la possibilité d’accéder à la surface de vente par différents accès avec bien plus de fluidité. Aussi, il nous fallait adapter nos dispositifs de détection habituels par une innovation qui soit à la fois discrète, design et mieux intégrée au nouvel environnement magasin, tout en conservant son efficacité. C’est à l’occasion d’un déplacement dans un salon à Düsseldorf que j’ai découvert un prototype d’antenne développé par la société Checkpoint Systems. Ils étaient très surpris que je les sollicite car ce prototype n’avait pas été pensé pour la grande distribution et les centres commerciaux. Néanmoins, il correspondait parfaitement à ce que nous cherchions, à savoir un dispositif plus discret, plus élégant, qui puisse être posé librement, contre un mur, une porte, ou isolément, doté d’alarmes plus ludiques et avec une faible emprise au sol améliorant le passage client. Son champ de détection circulaire permettait également d’anticiper le contact en amont du check out et d’avoir une approche moins directe du client.

Effectivement, les autres types d’antennes laissent peu de temps au personnel de sécurité pour anticiper l’action et venir au contact du consommateur. Cette approche est sans conteste plus subtile, plus confortable et conforme à ce qu’un client est en droit d’attendre, y compris d’un contrôle de sécurité. En parallèle, nous voulions une antenne connectable pour récupérer de la data sur le nombre de passages, les horaires et le volume de détections afin, à terme, de produire de la donnée prédictive.
Par ailleurs, nous avons également été agréablement étonnés des premières réactions de nos clients. Les antennes sont discrètes et elles ne sont pas forcément identifiées lorsqu’elles se déclenchent. A ce titre, les premiers contrôles ont été particulièrement efficaces. Ce constat est très positif pour l’avenir de nos développements. Demain, nous souhaitons des magasins sans antennes antivol visibles afin de libérer au maximum les accès à la surface de vente. Le consommateur se veut libre dans ses choix et ses déplacements. Les dispositifs de détection seront sans doute dans le sol, le plafond, les murs… Tout doit disparaître. C’est un enjeu très fort. Entendre dire que les clients n’ont pas forcément tous vu cette !nouvelle antenne, pourtant bien présente, me fait sourire. Cela signifie que nous avons franchi avec succès une première étape et nous sommes sur le bon chemin pour atteindre notre objectif. Même si le lancement de ce prototype dans un environnement de grande distribution a été un sacré challenge pour toutes les équipes, y compris Checkpoint, il a fallu faire confiance et accepter un risque partagé par tous. Ces antennes conviennent parfaitement à notre nouveau concept Next. Après Dijon, nous avons décidé de poursuivre nos tests dans un second magasin, à Flins et dans la première boutique de clean beauty « Sources ».

Quelles évolutions vous paraissent essentielles et risquent à terme d’impacter fortement votre activité en tant que Directeur Sécurité ?

Le principal défi, c’est la vitesse. Il faut constamment faire preuve d’agilité et être à l’écoute des besoins des clients, de tous les consommateurs y compris ceux qui ne viennent pas chez nous, pour mieux comprendre ce qu’ils peuvent attendre d’un hypermarché. La clientèle d’aujourd’hui a besoin de nouveautés en permanence parce qu’elle est mieux informée et dispose d’un choix croissant. Il faut donc se renouveler, se réinventer, en proposant des concepts toujours plus innovants et ludiques. Tout ceci impacte fortement les sujets de sécurité. La difficulté consiste à embarquer le plus vite possible ces nouvelles visions d’un magasin plus ouvert vers l’extérieur, avec des accès démultipliés et une consommation plus libérée vécue comme un plaisir. En matière de sécurité, le magasin idéal, c’est celui dans lequel un client se sent bien et navigue d’un rayon à l’autre, sans barrière physique. Bien évidemment, c’est compliqué pour quelqu’un qui travaille dans la sécurité d’imaginer demain, un point de vente totalement ouvert et libre d’accès sans sécurité matérielle visible. Mais dans cette approche « out of the box », il faut être prêt à faire face à l’inconnu et repenser le magasin différemment, afin d’offrir plus de plaisir et de liberté à nos clients.

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