Dans le monde de la distribution, l’expérience client devient la priorité absolue. Pourtant, derrière cette quête du graal, qui confère aux retailers les jouissances d’une croissance éternelle, se cache l’ombre du technocentrisme. A trop vouloir “augmenter” l’expérience client à coup d’applications intuitives ou de services connectés, les retailers ne risqueraient-ils pas d’affaiblir leur rentabilité ou de perdre les clients abreuvés de sollicitations ?
Se pose alors une question : comment répondre aux défis technologiques du retail sans négliger sa dimension première, l’humain ? Et si la réponse venait du magasin physique, toujours plus expérientiel serait-il en train de redorer les lettres de noblesse de la distribution ? Eléments de réponse au prisme du slow retail..
Arrêtons-nous un instant sur la maturité technologique des retailers : c’est une réalité
Lors du dernier Retail’s Big Show, Jérémy Dallois, CEO de ReachFive expliquait que le futur du retail résidait dans la « digitalisation de la supply chain et l’expérience client ». Un constat unanime que partage l’ensemble des acteurs du secteur.
Et ce n’est pas un hasard, les retailers sont passés d’une prise de conscience à une prise de décision depuis quelques années, que cela soit en terme de nouveaux modèles économiques ou de services connectés à destination des clients. De là, à faire du retail un laboratoire d’innovations capable de faire converger le potentiel des technologies de rupture (IA, IoT, Big Data) avec les nouveaux usages des consommateurs. Oui, je le crois.
Et c’est là que l’expérience client rentre en jeu. Prenons par exemple Monoprix qui saisit le levier du commerce conversationnel en proposant à ses clients de dicter leur liste de courses à leur enceinte connectée.
Le technocentrisme, l’écueil à éviter
Généraliser la réalité du monde de la distribution en s’appuyant sur les acteurs les plus puissants de l’industrie serait nier un aspect non moins important. Une grande majorité des acteurs de la distribution saute du train de l’innovation, n’étant pas en mesure de supporter les coûts et les expertises nécessaires à l’exploitation du potentiel des technologies du retail.
Est-ce si important ? Pas vraiment si on se focalise sur les usages des consommateurs, en effet, ils ne sont pas encore prêts au full package technologique.
➔ 72% des shoppers préfèrent avoir dans leur main un item avant de l’acheter
➔ 29% apprécient d’avoir un assistant personnel pour faire leurs achats
➔ 49% d’entre eux estiment qu’ils se sentiraient plus à l’aise si les interactions avec les systèmes d’IA étaient plus humaines.
Alors comment mettre les technologies du retail au service des consommateurs, en prenant compte leurs spécificités humaines ? Le slow retail entre en scène à ce moment là, notion connue des retailers et des spécialistes du marketing, à quelques nuances près.
Le slow retail raisonné, pour donner du sens à l’innovation technologique
Qu’est-ce que le slow retail ? C’est une augmentation de l’espace physique d’une boutique permettant de prolonger l’expérience des consommateurs, autrement dit les rendre captifs dans l’optique de l’augmentation de leur panier d’achats.
Au-delà de cet aspect marchand, plusieurs enjeux émergent pour les retailers souhaitant saisir le plein potentiel du slow retail :
Efficience : maîtriser l’ensemble de la chaîne de valeur d’un magasin, de la gestion des stocks, à la stratégie multicanale en passant par la sécurisation des magasins. Le slow retail répond à des dispositifs complexes, l’inflation technologique continuera à augmenter cette complexité nécessitant de l’expérience et une vraie expertise.
Transparence : développer une politique en accord avec la protection des données personnelles et les libertés des consommateurs (en lien avec le RGPD) pour faire des stratégies multicanales saines, online et offline, par le biais des objets connectés en interaction avec les clients.
Expérience : créer des dispositifs expérientiels novateurs en accord avec l’ADN de marque et les usages des consommateurs. La marque est puissante, elle répond à des missions, elle véhicule des valeurs, des promesses, un univers graphique en lien avec un imaginaire précis. Elle peut aider à rendre les technologies invisibles, plus naturelles.
Le slow retail est sans doute une alternative viable à la multiplicité des options de connexion qui dématérialisent la relation clients.
Au-delà du tout numérique et de tout connecté, les consommateurs sont aussi à la recherche de nouvelles expériences à vivre en magasins, au-delà de celles procurées par le simple achat des produits et services de l’enseigne.
Tout comme on voit apparaitre des restaurants-galerie d’art, ou galerie d’art-restaurant, ne sachant plus quelquefois quel concept prévaut sur l’autre, chaque enseigne doit trouver le ou les services complémentaires, forcément hors cadre, à offrir à leurs clients pour les fidéliser, tout en les aidant à différencier l’utile du superficiel, et à consommer plus juste.
Pour ce faire, les distributeurs doivent connaitre mieux qu’auparavant le profil de leur shoppers et prospects, recouper multitude d’informations sur leurs habitudes et envies, collectées grâce aux nouvelles technologies et autre réseaux sociaux.
L’un ne pourrait donc vivre sans l’autre ? L’avenir nous le dira.